Quelles sont les répercussions de ces événements sur le secteur du rail ? Quelles sont les implications pour son avenir ? Les Normes internationales peuvent-elles contribuer à la sûreté et à la croissance mondiale des transports ferroviaires ? ISOfocus a rencontré Yuji Nishie, le Président du nouveau comité technique de l’ISO consacré aux applications ferroviaires (ISO/TC 269), pour faire le point sur les derniers enjeux relatifs à la sécurité, les priorités du secteur ferroviaire et les défis de normalisation les plus urgents.
ISOfocus : Avec ses lignes à grande vitesse et la forte fréquentation sur ses liaisons interurbaines, le réseau ferroviaire japonais est l’un des plus denses de la planète. Comment expliquez-vous le besoin de normes dans le secteur ferroviaire ? Et pourquoi est-ce particulièrement le cas aujourd’hui ?
Avec les trains à grande vitesse, nous pouvons parcourir de grandes distances en un rien de temps et relier le centre des principales métropoles mondiales. En France ou au Japon, par exemple, où les lignes rapides existent depuis plus de 30 ans, le nombre de trajets effectués à grande vitesse se chiffre déjà à plusieurs milliards.
Yuji Nishie : Le système ferroviaire du Japon, avec ses lignes à grande vitesse Shinkansen, ses lignes interrégionales, ses trains de banlieue, ses métros, ses monorails, etc., transporte près de 23 milliards de passagers par an. Rien que dans la zone métropolitaine de Tokyo, 13 milliards de personnes prennent le train ou le métro pour se rendre à leur travail, ce qui représente près de 58 % de la demande. Toutes les heures, rien de moins que 14 TGV Shinkansen quittent la gare de Tokyo. Ces trains transportent chaque année 292 millions de voyageurs. Et aucun accident mortel n’a été déploré en l’espace de 50 ans, ce qui est remarquable.
Malgré les récents accidents ferroviaires qu’ont connus le Canada et l’Espagne, le train reste le moyen de transport le plus sûr, pour les passagers comme pour les marchandises. Étant donné son bilan excellent en termes de sécurité et sa faible empreinte écologique, le secteur ferroviaire a encore de longues années devant lui. À force de développer et d’optimiser les technologies pour répondre aux besoins locaux, nous avons conçu des systèmes ferroviaires qui ont fait leurs preuves dans le monde entier.
Nous gagnerions beaucoup si nous réussissions, au travers des Normes internationales, à avoir une approche commune des systèmes ferroviaires dans le monde. Lorsque ces normes seront élaborées, le secteur pourra bénéficier des meilleures pratiques et des savoir-faire acquis dans ce domaine et les utiliser pour développer de nouveaux systèmes ou améliorer les infrastructures déjà en place.
Quelles sont vos ambitions en matière de Normes internationales ? Que pourrait en retirer le secteur et à quels défis particuliers vous attendez-vous ?
Depuis le début de leur exploitation commerciale, au début du XIXe siècle, les chemins de fer ont élargi notre horizon et ont contribué au développement des sociétés et des économies. Les avantages du train, y compris du point de vue écologique, sont désormais vus sous un nouvel angle avec la lutte contre les changements climatiques.
Depuis la mise en circulation, il y a 50 ans, des premiers trains Shinkansen (considérés comme la première gamme de trains à grande vitesse), nous assistons à l’extension rapide des réseaux ferrés dans le monde. Dans les pays en développement, en particulier, le rail, avec ses capacités de transport collectif rapide, est de plus en plus perçu comme un facteur de développement économique.
En outre, de nombreux chantiers ferroviaires, impliquant notamment la construction de lignes à grande vitesse, de réseaux ferrés urbains et de transport de marchandises, sont planifiés actuellement dans le monde.
Mais cela n’est pas sans défi : bon nombre des pays en développement ont encore des lacunes sur le plan de la sécurité, de l’impact sur l’environnement, de la commodité et de la rentabilité des réseaux ferrés. Si l’on veut que l’extension des réseaux ferrés soit rapide et efficace, et que tous les pays jouissent de services ferroviaires bien gérés, le secteur doit absolument s’appuyer sur la normalisation internationale. Nous devons répondre au besoin croissant de mondialisation des réseaux ferrés à travers nos activités de normalisation, en rendant le vaste domaine des technologies ferroviaires plus exhaustif et cohérent.
Le secteur ferroviaire japonais a un excellent bilan en matière de sécurité. En quoi la mise en application de Normes internationales contribuerait-elle à renforcer la sécurité dans le monde ?
Il faudrait que la sécurité des trains soit assurée à chaque étape du cycle de vie – la planification, la conception, la production, le montage, la mise en circulation et la maintenance, et le renouvellement et l’élimination. Même si, sur le plan pratique, chaque pays ou région développe ses propres stratégies de renforcement de la sécurité, l’approche fondamentale, sur le plan scientifique, reste la même.
Il faudrait mettre en place une stratégie de sécurité ferroviaire qui tienne compte du contexte et de l’environnement, mais aussi de la capacité et de la fréquence nécessaires des trains, de la demande (applications spécifiques ou multiples), du risque de catastrophes naturelles ou créées par l’homme, ainsi que des facteurs sociaux, économiques et environnementaux. Appliquer des Normes internationales à chaque étape du cycle de vie des infrastructures permettra de renforcer la sécurité dans chaque pays ou région.
Le Shinkansen en bref
Recettes
L’exploitation des trains Shinkansen génère chaque année USD 19 milliards de recettes
Sécurité
Depuis le lancement des trains Shinkansen en 1964, aucun accident mortel n’est à déplorer
Passagers
Au total, près de 9,2 milliards de passagers ont été transportés entre 1964 et 2009
Retards moyens
Moins d’une minute, c’est le retard moyen par trajet – et cette moyenne tient compte des retards liés à la météo
Comment votre intérêt pour les trains s’est-il développé ?
Quelles sont vos motivations dans votre travail ?
Les technologies des transports m’ont toujours fasciné, dans les secteurs ferroviaire, automobile, maritime ou aérien. Mais les trains ont pris le dessus et j’ai rejoint, en 1979, les chemins de fer nationaux du Japon : Japanese National Railways (JNR).
À l’époque, JNR traversait une période difficile, avec un endettement croissant, des grèves récurrentes et des tensions entre direction et syndicats. Mais cela n’a pas empêché l’exploitation des trains Shinkansen en temps voulu et sans incidents.
Au début de ma carrière professionnelle, je voulais apporter un renouveau dans les réseaux ferrés japonais – et, peut-être, dans une certaine mesure, aider à résoudre certains des problèmes de JNR. Après la privatisation de JNR et sa séparation, en 1987, en plusieurs entités dont Japan Railways (JR), la situation, pour chaque branche du groupe, s’est considérablement améliorée.
Aujourd’hui, mon objectif premier est de collaborer au sein d’un groupe formé de collègues et d’experts venus du monde entier pour livrer au secteur ferroviaire un ensemble harmonisé de Normes internationales. J’aimerais pouvoir me consacrer pleinement aux activités de l’ISO/TC 269 pour que les attentes de toutes les parties prenantes – des conducteurs de locomotives aux responsables des infrastructures en passant par les entreprises impliquées dans la production de trains et les chantiers ferroviaires, sans oublier, bien sûr, les autorités gouvernementales – soient satisfaites.
Président du nouveau comité technique de l’ISO consacré aux applications ferroviaires (ISO/TC 269)