TOUT SAVOIR SUR L’IMPACT WASHING

Que signifient les termes de « greenwashing » et d’« impact washing » ?

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Le terme de « greenwashing » (écoblanchiment), apparu dans les années 1980, visait à l’origine certaines chaînes d’hôtels invitant, dans un souci écologique, les clients à utiliser moins de serviettes, alors que leur véritable motivation était en fait d’économiser sur la facture de blanchisserie. La démarche écologique ainsi mise en avant était une façon de détourner l’attention de l’impact environnemental global des hôtels en question.

Depuis, les consommateurs s’intéressent de plus en plus aux produits dits « verts » et les entreprises sont de plus en plus habiles à utiliser l’argument écologique pour masquer leur impact global négatif sur l’environnement. Aujourd’hui, le terme d’« impact washing » vient s’ajouter au lexique de ceux qui veulent obliger les entreprises, et en particulier les institutions financières, à justifier leurs revendications écologiques.

« De nombreuses institutions financières prétendent qu’un changement dans la composition de leur portefeuille (notamment la réduction des parts placées dans le secteur pétrolier) génère automatiquement des impacts environnementaux », indique Stanislas Dupré, Animateur du groupe de travail de l’ISO chargé de l’élaboration d’ISO 14097, document de référence pour la déclaration des actions climatiques des institutions financières. « Elles utilisent cet argument auprès des investisseurs, une pratique que l’on qualifie désormais d’« impact washing ».

On entend par « impact washing » tout argument marketing employé pour promouvoir un produit censé apporter un changement dans l’économie réelle, sans qu’il soit possible d’en avancer les preuves. Un gestionnaire de fonds peut prétendre qu’un investissement donné vous permettra de réduire les émissions de carbone de x milliers de tonnes, ou équivaut au retrait de x milliers de voitures à essence, mais il devrait être tenu de prouver en termes équivalents que ces voitures ont été retirées de la circulation.

Concernant les réponses au changement climatique des 20 plus grandes banques européennes, une enquête récente du groupe ShareAction leur attribue un score moyen d’à peine 40 %. « Cela signifie, qu’en moyenne, elles ne sont qu’à mi-chemin dans leur démarche d’intégration des meilleures pratiques » constate ShareAction. « En fait, dans notre classement, aucune des banques interrogées n’est encore entièrement conforme aux bonnes pratiques – elles le sont à 80 % ou plus, même si, dans certains domaines, certaines banques affichent des pratiques de pointe ».

Mobilisation pour le changement

Une entreprise peut dire qu’elle sauve la planète – ou une institution financière peut promettre qu’elle va investir votre argent dans des produits ESG (respectant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), mais cela n’est nullement suffisant. Les entreprises doivent pouvoir démontrer de manière active et vérifiable comment elles rendent le monde meilleur.

Les Nations Unies ont réuni cette année la Net-Zero Banking Alliance, qui rassemble des banques du monde entier totalisant plus d’un tiers des actifs bancaires mondiaux et qui se sont engagées à aligner leurs investissements et portefeuilles sur l’objectif zéro émission nette d’ici 2050. Il est néanmoins urgentissime de pouvoir mesurer l’impact climatique direct et indirect des institutions financières, au-delà de leurs promesses et de leurs déclarations en matière d’exposition aux risques.

« Lorsqu’un investisseur achète ou vend une action ou une obligation, il n’y a pas d’effet direct sur l’économie réelle, et l’effet indirect, s’il existe, est extrêmement difficile à modéliser », observe M. Dupré.

UN problÈme sÉrieux

ISO 14097 a pour objet d’harmoniser et d’unifier les normes du secteur des services financiers caractérisées par leur multiplicité et leur fragmentation, pour permettre aux investisseurs d’établir jusqu’à quel point des entreprises sont respectueuses de l’environnement. Nous avions de toute évidence besoin de lignes directrices techniques et d’un cadre normalisé décrivant comment les institutions financières, les banques, les investisseurs et les gérants d’actifs peuvent évaluer les risques associés au changement climatique, et déclarer ces derniers » explique M. Dupré.

« Aujourd’hui, l’impact washing est la norme plutôt que l’exception », reconnait-il. « Lorsque mon groupe de réflexion a examiné en 2020 les pratiques des gestionnaires d’actifs en Europe, il s’est avéré que beaucoup d’entre eux émettaient des déclarations environnementales, et que ces déclarations étaient presque toutes trompeuses et non conformes. »

Comme le précise M. Dupré, « les experts chargés de rédiger ISO 14097 se sont appuyés sur deux cadres conceptuels. Tout d’abord, la définition de l’« impact investing » c’est-à-dire l’investissement à impact social, qui s’appuie sur les piliers de l’intentionnalité et de l’additionnalité. Il était surtout utilisé pour la finance mixte et le financement des entreprises sociales en phase de démarrage. Deuxièmement, le concept d’« alignement » des portefeuilles d’investissement avec les objectifs climatiques, qui consiste à établir une comparaison de certaines données (CO2, barils de pétrole, etc.) associées aux entreprises avec ce que ces données devraient être dans un scénario climatique à 2 °C. »

L’objectif mondial est de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C d’ici 2100, mais la voie que nous suivons conduit à un réchauffement des températures mondiales de 2,7 °C, ce qui, selon les Nations Unies, nous mènera à la « catastrophe climatique ». Le défi est à la fois d’ordre méthodologique – trouver de nouvelles façons de mesurer l’impact indirect des institutions financières – et d’ordre politique, fait valoir M. Dupré. « Les consommateurs sont tout disposés à payer pour des investissements durables, et les experts subissent de fortes pressions pour établir des définitions et des normes permettant de donner un cadre « légal » à l’ « impact washing » constate M. Dupré.

Certains organismes de réglementation interviennent déjà en poursuivant des gestionnaires d’actifs ou en enquêtant sur les pratiques de marketing vert trompeur, et certains anciens dirigeants dénoncent activement le secteur financier.

Au début de l’année, Tariq Fancy, anciennement responsable des investissements durables chez BlackRock, a déclaré que « l’industrie des services financiers abuse le public américain avec ses pratiques d’investissement durables en faveur de l’environnement. Ce secteur de l’investissement socialement responsable, qui pèse plusieurs milliards de dollars, est présenté d’une façon qui ne correspond pas à la réalité. Wall Street « verdit » le système économique et ouvre des perspectives mortellement trompeuses »

La voie À suivre

L’intérêt de la norme ISO 14097 est triple, relève M. Dupré. « Premièrement, elle guidera ceux qui investissent et gèrent des financements pour l’évaluation des risques liés au changement climatique. Deuxièmement, elle aidera à dynamiser la transition vers une économie sobre en carbone en réduisant l’exposition aux risques associés au changement climatique. Troisièmement, ISO 14097 offrira les avantages de la normalisation. En d’autres termes, elle proposera un cadre unificateur fournissant une base pour l’évaluation, la vérification et la comparaison ».

Les gouvernements, les décideurs et les organismes de réglementation peuvent utiliser ISO  14097 pour gérer la question de l’impact washing. Lors de la COP26, une coalition d’entreprises financières a promis une somme de USD 130 000 milliards pour opérer la transition mondiale vers la neutralité carbone d’ici 2050 et atteindre l’objectif de l’Accord de Paris de maintenir le réchauffement climatique à moins de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici 2100.

Étant donné que la notion de neutralité carbone n’est pas d’une absolue limpidité, ISO 14097 peut aider à clarifier les engagements à venir. Le monde a besoin d’un cadre unifié, convenu au niveau international, pour évaluer les risques climatiques et les divulguer, de manière à pouvoir les vérifier et les comparer.

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